JURIDIQUE
Bailleurs et preneurs : la médiation avant le droit
Publié le lundi 03 mai 2021 par Stéphane INGOLD
Les errements jurisprudentiels obligent les preneurs à s’organiser : il s’agit de privilégier l’esprit de médiation et, parallèlement, d’affuter l’arme de la révision légale.
Le juge, freiné par des considérations morales, piétine dans l’application de la règle de droit
Dans le contexte de la crise sanitaire, les preneurs avisés, dont les activités sont affectées par des mesures administratives, ont notifié à leur bailleur des argumentations techniques, tirées du droit commun des contrats, à savoir :
- la force majeure (article 1228 du code civil),
- l’exception d’inexécution (article 1217 et suivants du code civil),
- la perte partielle de la chose (article 1722 du code civil),
- la disproportion manifeste (1221 du code civil),
- l’imprévision (article 1195 du code civil).
En effet, les mesures administratives destinées à lutter contre la COVID-19 et la pandémie elle-même constituent un cas de force majeure qui suspend l’obligation au paiement des loyers durant les périodes d’impossibilité d’exploitation.
Et si le bailleur qui est empêché d’exécuter son obligation de délivrance pour cause de force majeure n’est pas tenu de réparer le dommage subi par le preneur, il ne peut, à l’inverse, exiger de ce dernier qu’il continue d’exécuter son obligation de payer.
En ce sens, le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Paris a considéré que le locataire, en application de la théorie de l’exception d’inexécution, peut soutenir qu’en l’absence de fourniture d’un local exploitable conformément au bail, et même si cette situation ne relève pas d’un manquement du bailleur à ses obligations mais de la force majeure, il doit pouvoir lui-même cesser d’exécuter son obligation corrélative de régler son loyer (Référés Paris 21 janvier 2020, n°20/58571 ; et 20/55585).
Par ailleurs, sur le fondement de l’article 1722 du Code civil, le Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire de Paris a jugé que l’impossibilité juridique survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, d’exploiter les locaux loués est assimilable à la perte temporaire de la chose louée, laquelle a pour effet de libérer le preneur de l’obligation de payer le loyer tant qu’il ne peut jouir de la chose louée (JEX Paris 20 janvier 2021, n°20/80923).
Ce fondement a également été retenu par la Cour d’appel de Versailles statuant en matière de référé (CA, Versailles, 14ème chambre, 4 mars 2021, n°20/02572) et même par le juge du fond (TJ La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428) !
En conséquence, sur le plan juridique, les obligations réciproques des parties ayant disparu pendant les périodes provisoires de fermeture, les preneurs ne sont pas tenus au paiement des loyers correspondants.
Cependant, le juge hésite à reconnaître l’évidence. Au lieu d’appliquer la règle de droit, ci-dessus rappelée, il croit devoir statuer en équité.
Ainsi, de façon erronée, et trop souvent, il « sauve » les bailleurs en retenant leur absence de faute.
La Cour d’appel de Paris a ainsi récemment considéré que le preneur doit payer les loyers au motif qu’aucun manquement lié à la période de confinement n’est établi à l’encontre du bailleur (CA, Paris, pôle 1, ch. 2, 18 mars 2021, n° 20/13262).
Or, comme vu plus haut, la règle de droit n’invite pas le juge à se placer sur le terrain de la responsabilité mais, bien au contraire, à constater objectivement les effets de la crise sanitaire sur les obligations réciproques du contrat.
Les vertus de la négociation selon un processus structuré
Les atermoiements du juge obligent les preneurs à rechercher des solutions transigées, mutuellement acceptables.
Le Pôle immobilier du Cabinet Gouache avocats, dont Maître Stéphane INGOLD est l’associé responsable, privilégie la voie amiable en organisant des réunions sous forme de visioconférences dans un esprit de médiation.
Cette approche, au cas par cas, ou sous le sceau de la confidentialité, selon un processus structuré, permet de dénouer un certain nombre de différends et d’obtenir des abandons de loyers.
Formé aux techniques de négociation raisonnées, Maître Stéphane INGOLD utilise sa casquette de médiateur pour inciter les parties à quitter leur posture judiciaire.
La démarche est vertueuse en ce que la solution n’est pas imposée par un tiers (juge, arbitre ou conciliateur). Elle est coconstruite par les Parties !
L’approche du Cabinet Gouache Avocats, mise en place dès mi-mars 2020, a été validée par le juge.
La jurisprudence sur la question du paiement des loyers de la COVID-19 a en effet souligné l’importance de la loyauté contractuelle et la nécessité de proposer des solutions consistant à ajuster les clauses et conditions du bail.
Ainsi, il a été jugé que « les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaires une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives » (Référés Paris 21 janvier 2020, n°58571 et n°55750).
Les preneurs ont donc tout intérêt à « jouer » le jeu de la négociation selon un processus structuré, surtout que la Loi place un certain nombre d’entre eux en position de force.
En effet, l’article 14 de la Loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 empêche toute action, sanction, voie d’exécution forcée, intérêts, pénalités, acquisition de la clause résolutoire au titre du non-paiement des loyers impayés à compter du début des mesures administratives et ceci jusqu’à 2 mois après la fin de ces mesures.
L’enjeu véritable est celui de la fixation du loyer à la valeur locative prévue par code de commerce
Bien sûr, il est essentiel pour les preneurs d’obtenir de leur bailleur des mesures d’accompagnement pour faire face à la crise sanitaire.
Cependant, celles-ci seront limitées dans le temps : elles dépendent des périodes d’impossibilité d’exploitation qui devraient cesser dans les prochaines semaines …
L’enjeu véritable pour relancer l’activité n’est donc pas d’obtenir des abandons ponctuels de loyer mais surtout une baisse définitive de celui-ci jusqu’au terme du bail.
L’arme de la révision légale est extrêmement efficace lorsque ses conditions sont remplies.
Il s’agit, sur le fondement de l’article L 145-38 du code de commerce, de rapporter la preuve de ce que :
- la dernière fixation du loyer est intervenue depuis plus de trois années,
- la valeur locative déterminée selon les dispositions du code de commerce est inférieure au loyer en vigueur. Or, cette valeur locative est actuellement baissière du fait des nombreuses crises ayant affecté les activités des preneurs : les grèves, le mouvement des gilets jaunes et la crise sanitaire.
- cette valeur locative a baissé de plus de 10 % à raison d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité. Cette modification matérielle s’illustre généralement par des travaux réalisés dans l’environnement commercial et, en période de crise, par de la vacance commerciale (locaux voisins non exploités).
Il convient de préciser que la valeur locative déterminée selon les dispositions du code de commerce est mécaniquement, en application de ces dispositions, inférieure à la valeur locative du marché, qui correspond au loyer de locaux libres de toute occupation (c’est-à-dire à la contrepartie financière lors de la prise à bail).
Un preneur bien organisé, soucieux d’optimiser le coût de son emplacement, doit envisager la mise en place d’une action en révision à la baisse de son loyer.
Le Pôle immobilier du Cabinet Gouache Avocats préconise d’étudier l’opportunité d’une telle action en sondant la valeur locative code de commerce de cet emplacement.
Ce test peut être opéré rapidement sur le site du Cabinet et contrôlé, dans le cadre d’un avis succinct, par son partenaire expert judiciaire en évaluation de valeur locatives, le cabinet Colomer Expertises.
La révision légale constitue un levier de négociation bien plus contraignant que la preuve d’un taux d’effort (rapport entre le loyer et le chiffre d’affaires) qui ne serait plus acceptable ou démesuré au regard de la nature de l’activité du preneur.
Le juge ne peut en effet et malheureusement pas tenir compte de ce taux d’effort qui n’est pas un élément de la valeur locative au sens des dispositions du code de commerce.
Stéphane INGOLD
Avocat à la Cour, Associé | Gouache Avocats
Avocat et diplômé Médiateur, il est formé aux techniques de négociation raisonnées et certifié en droit collaboratif.
Il a fait ses armes dans des cabinets de forte notoriété, spécialisés dans le domaine de l’immobilier commercial. Il a ainsi développé des compétences transversales (baux commerciaux, fonds de commerce, travaux, copropriété).
En janvier 2018, il a rejoint l’équipe de Gouache Avocats en qualité d’associé. Dès 2019, sa pratique en baux commerciaux est reconnue par le classement Décideurs juridique.
Les éditions législatives lui ont confié la rédaction du fascicule baux commerciaux du dictionnaire permanent. Il est également co-auteur de leur broché « fonds de commerce ».
Le marché du fitness en infographie – édition 2023
Fil d'actus, Infographies et chiffres marchés, MarchéInfographie : le marché du service à la personne en 2022
Fil d'actus, Infographies et chiffres marchés, MarchéWebinaire : « Comment fiabiliser le prévisionnel de son réseau ? » – Avec Synergee
Evènements et dates, Fil d'actus, Franchise« Ouvrir une franchise sans local » Web conférence le 15 septembre
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseWebinaire : « Comment réussir l’implantation de son réseau ? » – Avec Synergee
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseBaromètre du dynamisme d’ouverture en franchise
Développement, Fil d'actus, Franchise, Infographies et chiffres marchésInfographie : le marché de l’immobilier face à la crise
Fil d'actus, Infographies et chiffres marchés, MarchéReconversion en Franchise pour les femmes : journée de rencontre en Seine-et-Marne
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseLa relation de confiance entre un réseau et son institut d’études de géomarketing
Fil d'actus, TémoignageCandidat pessimiste. Au mieux, réaliste. Mais on ne soigne pas un optimiste
Développement, Fil d'actus, FranchisePenser l’immobilier commercial et l’immobilier d’entreprise autrement
Fil d'actus, Immobilier commercial, TémoignageQuelles sont les réponses aux besoins de financement des enseignes et des réseaux ?
Fil d'actus, FinancementWebinaire 15 janvier 2021 : « État général et local de marché : bien plus qu’une simple obligation légale ! »
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseReconfinement : les commerçants refusent d’être sacrifiés !
Communiqués, Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseFranchise Expo Online – table ronde : 3 étapes clés pour construire votre projet de franchise
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseReplay-webinaire : Marketing, recrutement & information précontractuelle
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseObtenir son prêt professionnel : l’intérêt de passer par un courtier
Fil d'actus, Financement, PartenairesWEBINAR – COVID-19 : Quels impacts sur les pratiques juridiques des distributeurs et franchiseurs ?
Evènements et dates, Fil d'actusREPLAY WEBINAR : Étude de marché / Business plan, mettre toutes les chances de son côté
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseConfinement, déconfinement, … quels sont les impacts de la période Coronavirus sur l’information précontractuelle en matière de franchise ?
Fil d'actus, Franchise, MéthodeL’objectif n°1 des restaurateurs : relancer un CA tout en rassurant la clientèle
Fil d'actus, MéthodeLa gestion technique du point de vente : quand l’Uberisation des prestataires vient bousculer le secteur
Fil d'actus, MéthodeWEBINAR : Quelles stratégies digitales pour la sortie du confinement ?
Evènements et dates, Fil d'actusPourquoi la franchise ne doit pas être visée par le nouveau règlement d’exemption à venir ?
Fil d'actus, Franchise, JuridiqueCovid-19 et Baux commerciaux : les conséquences de la fermeture des commerces
Fil d'actus, Franchise, JuridiqueLa franchise confrontée aux mystères de l’article L.1112-1 du Code civil
Fil d'actus, Franchise, Juridique, PartenairesÉtude de marché et franchise : du nouveau depuis la réforme du droit des obligations ?
Fil d'actus, Franchise, Juridique, PartenairesLe Grand Auckland, moteur économique et démographique de la Nouvelle-Zélande
Fil d'actus, Franchise, InternationalLa relation franchiseur-franchisé vis-à-vis de l’étude de marché d’implantation
Fil d'actus, Franchise, MéthodeLa responsabilité personnelle des dirigeants en franchise
Fil d'actus, Franchise, Juridique, PartenairesLa clause de dédit risque d’être requalifiée en clause pénale
Fil d'actus, Franchise, Juridique, PartenairesBaromètre 2018 du dynamisme de la franchise en région
Communiqués, Fil d'actus, Infographies et chiffres marchésCalcul prévisionnel de CA : conférence du 8 novembre 2018
Communiqués, Evènements et dates, Fil d'actusSite EasyRetail.fr : nouvelle vitrine pour notre outil de développement de réseau
Communiqués, Fil d'actus, FranchiseTerritoires & Marketing sera présent sur le salon Europain !
Evènements et dates, Fil d'actus, FranchiseÉlections présidentielles 2017, les 10 propositions de la FFF pour préserver et soutenir le modèle de la franchise
Fil d'actusÉTUDES
GÉOMARKETING
FRANCHISE
DONNÉES
Nous contacter
Courrier : BP 90004 - 75560 Paris Cedex 12
Visite : 37-39 av. Ledru Rollin 75012 Paris
04 72 69 16 80