La clause de dédit risque d’être requalifiée en clause pénale
Risque de requalification d’une clause de dédit
JURIDIQUE
La clause de dédit dont le coût est dissuasif
risque d’être requalifiée en clause pénale
Cass. Com., 25 septembre 2019, n°18-14427
Publié le vendredi 17 janvier 2020
Dans certaines situations de résiliation d’un contrat à durée déterminée, les clauses de dédit ou les clauses pénales peuvent contraindre une partie à payer à l’autre partie une somme d’argent. L’objet de ces clauses et les régimes qui leur sont applicables sont néanmoins différents.
D’une part, la clause pénale a pour objet de dissuader une inexécution et de prévoir forfaitairement l’indemnisation du cocontractant subissant l’inexécution. Elle présente donc un caractère comminatoire et indemnitaire. En application de l’article 1231-5 du Code civil, un juge amené à décider de l’application d’une telle clause peut, même d’office, modérer le montant de la pénalité qui y est prévu, s’il estime ce montant manifestement excessif.
D’autre part, la clause de dédit a pour objet d’offrir à une partie la faculté de se libérer unilatéralement de ses engagements, généralement en contrepartie du paiement d’une somme d’argent forfaitaire, en l’absence de toute inexécution (Cass. Com., 22 janvier 2013, n°11-27293 ; on notera que la « clause de dédit » peut aussi être qualifiée de « clause de résiliation » : Cass. Com., 20 septembre 2011, n°10‑30567). Le droit positif ne permet pas à un juge de modérer le montant dû en application d’une telle clause (Cass. Com., 18 janvier 2011, n°09-16863 ; Cass. Com., 2 avril 1996, n°94-13433).
Le coût de la faculté de dédit dissuasif
La différence de régime entre ces deux clauses, tenant notamment au fait que seule la clause pénale peut être modérée par l’intervention du juge, a conduit des plaideurs auxquels une clause de dédit était opposée à demander à un juge sa requalification en clause pénale. Pour justifier cette demande, certains plaideurs ont notamment argumenté que le coût de la faculté de dédit est tellement important qu’il s’apparente finalement à une pénalité dissuadant d’exercer une telle faculté et, corrélativement, forçant à la poursuite du contrat.
La première chambre civile de la Cour de cassation semblait refuser les demandes de requalification fondées sur de tels arguments. Dans un arrêt rendu le 15 novembre 2005, elle a décidé que « la clause de résiliation anticipée, autorisant [une partie] à dénoncer le contrat à tout moment moyennant le paiement d’une indemnité s’analysait en une faculté de dédit, de sorte qu’elle n’avait pas le caractère d’une clause pénale, peu important qu’elle fût équivalente au montant des sommes qui auraient dû être perçues [à l’autre partie] si le contrat était allé jusqu’à son terme » (Cass. Civ. 1e, 15 novembre 2005, n°03-12795).
Mais, dans un arrêt rendu le 5 décembre 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a adopté une position différente en confirmant une requalification décidée par la Cour d’appel de Colmar. Elle a notamment énoncé que l’indemnité (qualifiée de « pénalité ») d’un montant de 450 000 euros prévue dans la clause est « suffisamment élevée pour montrer que les parties ont entendu lui conférer un caractère comminatoire afin de dissuader le [cocontractant] de rompre avant le terme les relations contractuelles ». La Cour de cassation en a conclu que la Cour d’appel a « fait ressortir que cette clause avait pour objet de contraindre le [cocontractant] à exécuter le contrat jusqu’à son terme et d’évaluer de manière forfaitaire le préjudice subi par la société », de sorte que la clause concernée devait s’analyser « en une clause pénale et non de dédit » (Cass. Com. 5 décembre 2018, n°17-22.346).
Cette position n’a pas été suivie par la Cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 5 septembre 2019, a refusé une requalification dans le cadre d’une affaire dans laquelle les clauses des contrats opposées à une partie prévoyaient que celle-ci serait tenue, en cas de résiliation anticipée, de payer une indemnité égale à 70% ou 100% (selon le contrat) de la moyenne du montant mensuel des factures établies au cours des douze derniers mois, multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu’à l’échéance du contrat. La Cour d’appel de Paris a décidé que : « [La partie] qui a pris l’initiative de la rupture anticipée des contrats à durée déterminée, […] qui est seule à l’origine de cette rupture, fait vainement valoir que la clause litigieuse de résiliation anticipée qui lui est opposée par [l’autre partie] constitue une clause pénale. En effet, cette clause n’a pas, dans le cas d’espèce, pour objet de sanctionner l’inexécution de ses obligations par le client, mais est destinée à maintenir l’équilibre financier des contrats à durée déterminée en cas de rupture anticipée de ceux‐ci non justifiée par de graves manquements du prestataire. Cette clause ne constituant pas une pénalité au sens de l’article 1152 [devenu 1231-5] du code civil, n’est pas sujette à réduction et doit être appliquée telle qu’elle est prévue dans les conditions générales, ce pour l’ensemble des contrats litigieux » (CA Paris, 5 septembre 2019, n°17/10883).
Toutefois, moins de trois semaines plus tard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à connaître d’un autre arrêt de la Cour de Paris concernant une problématique de requalification et une clause contractuelle similaires. La clause prévoyait que « dans tous les cas de résiliation avant l’expiration de la période initiale ou des périodes renouvelées, la résiliation entraînerait […] le paiement par le client d’une indemnité égale à 100 % de la valeur de la moyenne mensuelle des [prestations] depuis la date d’entrée en vigueur du contrat de services jusqu’à sa date de résiliation anticipée, multipliée par le nombre de mois restant à courir entre la date de résiliation et la date normale d’expiration ». La Cour d’appel de Paris avait considéré que cette clause permettait de pallier le déséquilibre de l’économie générale du contrat causé par une rupture anticipée et avait décidé qu’elle constituait une clause de dédit, et non une clause pénale. La Cour de cassation a cassé cette décision en retenant que « la clause litigieuse stipulait une indemnité en cas de résiliation anticipée de la part du client dont le montant était équivalent au prix dû en cas d’exécution du contrat jusqu’à son terme et présentait, dès lors, un caractère comminatoire, en ayant pour objet de contraindre [le cocontractant à] exécuter le contrat jusqu’à cette date, de sorte qu’elle constituait une clause pénale et non une clause de dédit » (Cass. Com., 25 septembre 2019, n°18-14427).
Cette décision semble ainsi confirmer un revirement de jurisprudence
Afin de minimiser le risque de requalification d’une clause de dédit en clause pénale susceptible de conduire à une diminution du montant de l’indemnité de résiliation déterminée dans le contrat, il conviendra désormais de prendre des précautions supplémentaires dans la rédaction de la clause de dédit et la détermination du prix du dédit.
Auteurs : Axel FERLY et Grégoire TOULOUSE
Grégoire TOULOUSE
Avocat à la Cour, Associé | Taylor Wessing
Membre du Collège des Experts
de la Fédération Française
de la Franchise
Grégoire TOULOUSE est associé dans le département Commercial & Concurrence et dirige le Groupe Franchise & Réseaux. Il est spécialisé en droit de la distribution et de la franchise.
Il intervient également au stade contentieux et pré-contentieux dans les affaires de concurrence déloyale, de pratiques restrictives de concurrence, de résiliation de contrats, et de produits défectueux, particulièrement dans des litiges transnationaux.
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