Les règles d’une bonne étude de marché selon Charlotte Boisson
En tant que futur chef d’entreprise, tout porteur de projet de commerce ou de service a le devoir de s’informer. L’étude de marché est un pan majeur de cette obligation. Elle peut également être utile à une activité de commerce ou de service de détail déjà en place pour identifier les leviers d’optimisation du business. En effet, une étude de marché a pour objectif la compréhension de l’environnement dans lequel l’activité va s’insérer, l’analyse de ses dynamiques économiques, des flux commerciaux, de la demande et de l’offre locales sur le secteur. Elle se traduit le plus souvent par la détermination d’un chiffre d’affaires réalisable par l’unité en vitesse de croisière avec la mesure détaillée des éventuels freins et a contrario des points forts de l’environnement pour l’activité ciblée.
Une bonne étude de marché, qu’elle soit réalisée par le porteur de projet lui-même ou par un cabinet d’études spécialisé, respecte quelques principes simples.
Il va s’agir dans l’étude de répondre à un certain nombre de question :
– Quel est l’environnement de mon projet, de mon commerce ?
– Quelle est la demande locale ?
– Quel est l’univers commercial et concurrentiel ?
– Quelles sont les évolutions à venir de la zone propre à impacter –en positif comme en négatif– mon activité ?
Pour commencer, l’étude de marché doit déterminer la zone de chalandise du projet ou du commerce, cette zone qui sera la zone d’étude. La zone de chalandise correspond au périmètre géographique sur lequel un point de vente exerce son attraction, d’où provient l’essentiel de sa clientèle composée, selon l’activité ciblée, de résidents, de salariés, de touristes, d’étudiants, de professionnels. Cette zone est plus ou moins grande selon que la situation soit en centre-ville, en périphérie ou en zone commerciale et selon l’activité du futur commerce. Elle se calcule le plus souvent en temps d’accès : par exemple pour une boulangerie de centre-ville on aura une zone de proximité de 5 à 10 minutes à pied, pour un magasin de cuisines en zone commerciale une zone plus large de 15 à 20 minutes en voiture.
Une étude de marché, c’est ensuite une analyse argumentée qui va permettre de projeter un niveau d’activité : à ce titre, comme toute analyse, elle doit s’appuyer sur des chiffres vérifiables qui lui donneront une base objective. En France, nous avons la chance de pouvoir accéder facilement à énormément d’éléments chiffrés. Il y a d’abord l’INSEE et un recensement général publié annuellement : c’est une source qui permet de qualifier très précisément la population résidente sur une zone mais aussi de mesurer le volume de la population de jour, c’est-à-dire toutes les personnes qui viennent travailler sur une zone, donc deux types de clientèle majeurs. Pour les autres clientèles, notamment étudiants et touristes, il va s’agir d’identifier les points d’intérêt, monuments, hôtels pour les seconds, les établissements d’enseignement supérieur pour les premiers. Là encore, souvent des chiffres sont accessibles comme par exemple la fréquentation de monuments ou le taux de remplissage des hôtels.
De la même manière, pour la partie « offre sur la zone », les commerces sont pour leur grande majorité référencés aujourd’hui sur Internet et on peut pour certains d’entre eux accéder à leur chiffre d’affaires.
Tous ces chiffres sont nécessaires à l’étude de marché mais toutefois pas suffisants. C’est en effet la seconde règle majeure d’une étude de marché : il faut se rendre sur place pour notamment confronter ces chiffres à la réalité du terrain. Le gros du travail se fait sur site : une étude ne peut en aucun cas faire l’impasse d’un déplacement sur la zone.
Confronter les chiffres, qu’est-ce à dire ? Il va falloir faire des comptages de flux piétons devant le futur local mais aussi devant les concurrents, se rendre chez ses derniers et observer leur activité, interroger les commerçants, voire les consommateurs.
Mais le déplacement sur site va aussi être nécessaire à la vérification de l’accessibilité (quels types de voie, quel niveau d’encombrement, quels transports en commun, quelles solutions de stationnement, etc.), la visibilité et la qualité d’implantation de son local vs celui des concurrents, deux points majeurs de la commercialité d’une activité.
Une étude de marché doit ensuite faire le point sur toutes les évolutions à venir pouvant impacter l’activité économique de la zone (piétonisation d’une voie, réfection d’une place, arrivée d’un nouveau centre commercial, etc.). En effet l’étude se prononce sur le potentiel et la faisabilité du projet à travers le calcul d’un chiffre d’affaires en vitesse de croisière, c’est-à-dire à 3/ 4 ans : il faut donc pouvoir et estimer l’activité de la zone à date et la projeter telle qu’elle sera dans 3/ 4 ans. L’étude de marché doit donc inclure une partie d’enquête documentaire auprès des instances officielles (Chambre de Commerce et d’Industrie, Conseil Général, Mairie), des promoteurs privés mais aussi des commerçants déjà installés sur site : en effet certains projets commerciaux, notamment de moins de 1000 m², ne seront référencés nulle part mais les commerçants de la zone peuvent en avoir entendu parler.
Enfin, l’étude de marché doit présenter une conclusion, c’est-à-dire notamment un chiffre d’affaires réalisable, étayée et argumentée. L’effet « boîte noire » est à bannir : le calcul et les recommandations doivent découler d’un raisonnement compréhensible et détaillé, il doit être interrogeable. Le commanditaire de l’étude, soit le commerçant ou le porteur de projet, doit pouvoir se l’approprier, ses partenaires – l’enseigne en franchise, l’organisme financier – doivent être convaincus de la fiabilité et de la robustesse de l’étude. Ce chiffre d’affaires doit s’appuyer sur le niveau d’activité (en volume et en valeur) relevé sur la zone et plus spécifiquement sur les concurrents, mais aussi sur le modèle économique du concept du commerce ou futur commerce (ticket moyen, nombre de tickets/jour, etc.) et enfin sur les spécificités de l’unité étudiée (type d’implantation, surface, jours d’ouverture, etc.).