L’internationalisation du réseau de franchise

FRANCHISE :
L’internationalisation du réseau

JURIDIQUE

L’internationalisation du réseau de franchise

Publié le mercredi 08 juillet 2020

L’expansion internationale est une étape charnière pour tout franchiseur qui a déployé son réseau avec succès sur le territoire national et dispose d’un concept éprouvé. Elle nécessite un certain investissement et n’est pas sans risque, mais constitue un formidable relais de croissance.

Pour connaître le succès, la tête de réseau doit préparer son expansion internationale de manière méthodique, l’anticipation jouant un rôle primordial. Une stratégie trop opportuniste et une internationalisation mal préparée peuvent en effet coûter cher et nuire durablement à la marque.

Du point de vue commercial, le franchiseur va devoir constituer une équipe dédiée et allouer un budget au projet. Cette équipe aura pour mission de cibler les marchés porteurs pour le concept concerné, de réfléchir à une adaptation éventuelle du concept et du marketing pour s’adapter aux attentes des différents marchés, d’identifier le type de partenaires qu’elle souhaite recruter et comment les trouver.

Du point de vue juridique, il est indispensable de disposer d’une documentation préparée par des juristes pratiquant l’anglais de manière courante et au fait des subtilités des relations contractuelles internationales : non seulement concernant les lois spécifiques à la franchise, mais également la réglementation fiscale ou encore les problématiques de change.

Le franchiseur doit avoir en tête les points de vigilance suivants.

1. Le choix du modèle juridique

Le choix, par le franchiseur, du modèle juridique adapté à son développement international sera guidé par plusieurs facteurs tels que ses moyens financiers, la complexité de son concept, sa philosophie ou encore les spécificités culturelles, juridiques et fiscales du pays-cible (qui orienteront parfois vers un modèle de licence ou de concession plutôt que de franchise).

Le franchiseur disposant de moyens suffisants et souhaitant un contrôle maximal pourra choisir d’implanter une tête de pont pour développer le réseau, soit en créant une filiale qui exploitera un pilote ou deviendra localement tête de réseau, soit en constituant une société commune (joint venture) avec un partenaire local.

Il pourra, sinon, conclure un contrat de franchise directe, de développement, d’agent de développement ou de master franchise :

Le contrat de franchise directe est un contrat classique mais adapté au cadre international. Le choix de la franchise directe est souvent envisagé uniquement dans les pays limitrophes et francophones (Belgique, Luxembourg, Suisse romande), dans lesquels l’assistance directe aux franchisés sera relativement simple à mettre en œuvre ;
le contrat de développement consiste à n’avoir qu’un interlocuteur franchisé qui ouvrira de multiples points de vente. C’est un multi-franchisé auquel on fixe des objectifs de déploiement sur un territoire ;
le contrat d’agent de développement consiste à confier à des tiers la recherche de franchisés (qui contracteront, chacun, directement avec le franchiseur) et l’animation du réseau dans un territoire donné ;
la master franchise permet, quand à elle, de déléguer le développement du réseau à un tiers qui agira comme un véritable sous-franchiseur dans le pays-cible (ou la région) et supportera l’essentiel du risque financier.

Les trois derniers modèles juridiques nécessitent un encadrement particulier : fixation d’objectifs, procédures de contrôle, encadrement de l’après-contrat (notamment la reprise du réseau à la fin du contrat, s’agissant du contrat de développement et du contrat de master franchise).

2. La protection de la marque

Protéger la marque est une priorité. C’est en effet un élément déterminant en matière de franchise puisqu’une licence sur la marque est accordée à des tiers.

Le franchiseur peut enregistrer la marque pays par pays ou, pour limiter démarches et coûts, il peut enregistrer une marque européenne valable dans toute l’Union Européenne (UE) auprès de l’EUIPO ou une marque internationale désignant plusieurs pays (à condition qu’ils soient membres du protocole de Madrid) auprès de l’OMPI. Le nombre d’Etats membres de l’OMPI est aujourd’hui de 106, avec l’adhésion récente de pays importants comme le Brésil, le Canada, la Thaïlande ou encore la Malaisie.

Afin de s’assurer que la marque n’est pas déjà enregistrée ou utilisée par un tiers et régler en amont d’éventuelles difficultés qui pourraient compliquer son développement, il est vivement recommandé de procéder à une recherche d’antériorité.

3. Le choix de la loi applicable et les règles impératives du droit local

Un franchiseur qui internationalise son réseau choisira généralement d’appliquer sa loi au contrat par souci de bonne gestion juridique : son équipe juridique et ses avocats maîtrisent le droit national et ses évolutions et ne peuvent assurer un suivi aisé d’un droit étranger.

Toutefois, le droit local du pays d’implantation viendra parfois, avec des règles impératives (dites lois de police), contre-carrer les prévisions contractuelles des parties, invalider les clauses, voire engendrer la responsabilité du franchiseur en raison de clauses illicites.

Une révision de la documentation contractuelle par un avocat local est donc vivement recommandée pour s’assurer que les stipulations du contrat ne violent pas des dispositions impératives du droit local.

4. L’information précontractuelle

Un franchiseur français ayant retenu le droit français pour régir son contrat devra fournir un document d’information précontractuelle (DIP) conforme à la loi Doubin à ses franchisés, développeurs et master franchisés étrangers. Le règlement européen Rome II n°864/2007 prévoit en effet que la loi régissant la phase précontractuelle est la même que celle applicable au contrat (ou qui aurait été applicable à celui-ci).

Il conviendra donc de remettre un DIP, de préférence en anglais, aux candidats à la franchise ou à la master-franchise, comprenant une présentation du marché national du pays-cible, voire du marché local. Cette présentation étant malaisée, l’appui d’une agence de géomarketing à même de réunir les informations nécessaires est une solution à privilégier.

En plus du DIP français, il sera parfois, et même souvent, nécessaire de fournir un second DIP (ou un complément). En effet, de nombreux pays dans le monde imposent aujourd’hui une information précontractuelle d’origine légale.

États-Unis, plus provinces du Canada (à l’exception notable du Québec), Australie, Chine, Corée du Sud ont par exemple adopté une telle législation.

En Europe, la France a été précurseur avec la loi Doubin en 1989. Six Etats membres de l’Union européenne l’ont ensuite suivie : la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Suède, la Roumanie et les Pays-Bas qui viennent d’adopter en juin 2020 leur loi sur la franchise, particulièrement protectrice des franchisés.

Le délai de réflexion imposé avant la signature du contrat varie d’un pays à l’autre (de 10 à 30 jours), le non-respect de ces dispositions étant souvent sanctionné par la nullité du contrat.

D’autres pays, comme la plupart des pays civilistes d’Europe (Allemagne et Pologne, par exemple) fondent l’obligation d’information précontractuelle du franchiseur sur la règle du Culpa in contrahendo : il n’y a pas de règles écrites mais l’obligation de négociation du contrat de bonne foi impose au franchiseur de fournir au franchisé une série d’informations considérées comme essentielles pour son consentement éclairé.

Restent quelques pays, comme le Royaume-Uni et l’Irlande, de tradition de common law, qui n’imposent aucune information précontractuelle d’origine légale ou jurisprudentielle. Dans ces pays, c’est la règle du Caveat Emptor qui s’applique : les contractants contractent à leurs risques et périls et n’ont pas d’autre obligation que de ne pas tromper sciemment leurs cocontractants durant la phase précontractuelle…

5. L’enregistrement

Certains pays imposent aussi un enregistrement préalable à l’entrée en vigueur pleinement effective du contrat de franchise.

Il en va ainsi au Brésil et en Russie (où la licence doit être enregistrée), ou encore en Chine, ou aux États-Unis où les formalités d’enregistrement portent sur différents éléments dont le contrat de franchise et le document d’information précontractuelle.

Dans les pays dits développés, l’objectif de l’enregistrement est la moralisation de la pratique des affaires. Dans les pays en développement, il s’agit plutôt de contrôler l’activité étrangère qui échappe au contrôle sur l’investissement direct.

6. Le choix du mode de résolution des litiges

Le choix du mode de résolution des litiges peut avoir des incidences lourdes en cas de contentieux.

Pour des contrats exécutés dans l’Union européenne (UE), le franchiseur pourra sans risque donner compétence aux tribunaux français car le règlement européen Bruxelles I bis n°1215/2012 impose la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et facilite grandement leur exécution dans tous les Etats membres.

En dehors de l’Union européenne, le choix de l’arbitrage, bien que plus onéreux, pourra s’avérer judicieux.

En effet, il peut être difficile de faire appliquer des décisions de tribunaux français dans des pays étrangers mais les sentences arbitrales sont souvent mieux acceptées grâce à la Convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, à laquelle 164 pays ont adhéré (soit la quasi-totalité des pays du monde).

Le coût de l’arbitrage pouvant être élevé, en fonction des enjeux et de l’institution retenue, il peut être recommandé d’adapter la clause de résolution des litiges pour y inclure une médiation obligatoire préalable et d’adapter la clause d’arbitrage pour en limiter le coût.

Grégoire TOULOUSE

Avocat à la Cour, Associé | Taylor Wessing

Membre du Collège des Experts
de la Fédération Française
de la Franchise

Grégoire TOULOUSE est associé dans le département Commercial & Concurrence et dirige le Groupe Franchise & Réseaux. Il est spécialisé en droit de la distribution et de la franchise.
Il intervient également au stade contentieux et pré-contentieux dans les affaires de concurrence déloyale, de pratiques restrictives de concurrence, de résiliation de contrats, et de produits défectueux, particulièrement dans des litiges transnationaux.

www.taylorwessing.com